Expertise
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Le 21/03/2025
Entre équilibre et oscillation : le designer face à la loi du pendule.
Un jour, alors que je regardais une émission, une phrase a retenu mon attention : la loi du pendule.Ce concept m’a intrigué, comme une évidence que je n’avais jamais vraiment nommée…
Par curiosité, j’ai commencé à creuser, à lire, à chercher comment ce phénomène oscillatoire, décrit par la philosophie hégélienne (thèse, antithèse, synthèse), s’appliquait au monde qui m’entoure et, plus encore, à mon métier : le design.
L’oscillation créative : une réalité quotidienne pour les designers
Je me souviens d’un jour où, face à mon écran, j’ai ressenti cette sensation familière : une idée naissante, encore floue, qui hésite entre deux directions. Fallait-il suivre la tendance du moment ou proposer quelque chose de radicalement différent ? Ce n’était pas la première fois que je me retrouvais dans cette oscillation, ce mouvement entre deux extrêmes qui précède toute décision.
Avec presque 30 ans de carrière dans le design digital, dont 12 ans chez Nexton, j’ai été témoin de la façon dont notre monde oscille sans cesse entre deux extrêmes.
Le métier que j’ai appris à l’université n’a plus grand-chose à voir avec celui que je pratique aujourd’hui. Autrefois, le changement suivait un rythme lent, laissant le temps d’apprendre, d’explorer et d’assimiler les nouvelles pratiques. Puis, l’essor du numérique est venu bouleverser cette stabilité, accélérant l’innovation à une vitesse parfois vertigineuse.
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle s'impose comme une révolution incontournable. D'abord saluée comme une avancée majeure, elle suscite désormais des interrogations. Crée-t-elle ou formate-t-elle ? Libère-t-elle la créativité ou la contraint-elle
Cette oscillation entre euphorie et crainte illustre parfaitement la loi du pendule : chaque progrès technologique engendre inévitablement une réaction opposée avant de trouver son équilibre.
Cette ambivalence illustre parfaitement la loi du pendule. Chaque progrès provoque une réaction inverse. Puis, un nouvel équilibre finit par émerger.
Ce principe ne se limite pas au design ou à la technologie. En psychologie, en histoire et dans nos émotions, l’oscillation est partout.
Vers un design durable et équilibré
Dans le design, cette oscillation est tangible. J’ai vu le skeuomorphisme laisser place au flat design, puis revenir à une esthétique plus texturée. À chaque extrême succède son contraire.
Mais être designer, ce n’est pas seulement suivre ces oscillations. C’est apprendre à danser avec elles, à anticiper le moment où la vague va se briser pour en capter l’énergie. Nous sommes des médiateurs entre innovation et pragmatisme, entre la fascination pour la nouveauté et le besoin de stabilité des utilisateurs.
Cette responsabilité s’étend aussi à l’impact environnemental du numérique. L’éco-conception devient un enjeu incontournable : alléger les interfaces, optimiser le poids des ressources, réduire la consommation énergétique des services digitaux… Nous devons intégrer cette conscience écologique à nos choix de design, en trouvant un équilibre entre performance, esthétique et sobriété.
Là encore, le balancier est en mouvement : après des années d’expansion technologique sans limites, nous revenons à une approche plus raisonnée, où l’efficacité prime sur la surenchère visuelle et fonctionnelle. Anticiper ces oscillations, c’est concevoir non seulement pour l’utilisateur d’aujourd’hui, mais aussi pour l’avenir.
L’incertitude : moteur d’innovation en Design Thinking
Au fil des années, j’ai compris que l’incertitude n’est pas un obstacle, mais une invitation. Face à l’inconnu, nous sommes poussés à innover, à expérimenter, à transformer chaque défi en opportunité.
C’est l’essence même du design thinking : accepter de ne pas tout maîtriser, apprendre par l’erreur, et avancer par itérations successives.
Ce processus n’est pas linéaire, mais pendulaire. Il faut savoir quand se lancer dans la vague et quand prendre du recul, quand s’engager pleinement dans l’exploration et quand revenir à l’essentiel de nos vies.
Ainsi, plutôt que de craindre l’incertitude, voyons-la comme un tremplin vers un renouveau. C’est dans le déséquilibre que naissent les meilleures idées.
Plutôt que de craindre l’incertitude, j’ai appris à l’accueillir comme une chance. C’est dans ce déséquilibre que naissent les meilleures idées. Chaque oscillation nous pousse à remettre en question ce que nous tenions pour acquis, à chercher des compromis inédits, à réinventer notre manière de concevoir le monde.
Le designer d’aujourd’hui ne se contente plus de répondre à des besoins. Il accompagne les transformations, éclaire les choix, et aide à trouver l’équilibre fragile entre innovation et humanité.
La loi du pendule m’a appris que rien n’est permanent. Ni les tendances, ni les technologies, ni même nos propres certitudes. Chaque projet est une nouvelle oscillation, une invitation à se réinventer. Plutôt que de craindre le mouvement, je choisis de l’embrasser. Après tout, c’est dans la tension entre deux pôles que se forge la véritable créativité.
Ana DESGRÉES, Product Designer